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Point sur la gouvernance de l'Internet

14 novembre 2013
Par Fadi Chehadé

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Au cours des derniers jours, la communauté a demandé à mieux connaître le contexte des événements qui ont eu lieu sur la question de la gouvernance de l'Internet, y compris la déclaration de Montevideo, les réunions au Brésil et le Forum sur la gouvernance de l'Internet. C'est pourquoi j'ai souhaité écrire ce blog, qui vise à compléter mes discussions avec différents groupes de la communauté.

Depuis que j'ai rejoint l'ICANN l'année dernière, et notamment depuis la CMTI (Conférence mondiale des télécommunications internationales) en décembre dernier, beaucoup d'entre nous avons participé à des discussions publiques et privées sur l'état actuel et l'avenir de la gouvernance de l'Internet. Ces discussions concernent l'ensemble de la communauté mondiale de l'Internet et reposent de manière générale sur les postulats suivants ...

L'Internet figure parmi les inventions les plus importantes de l'histoire de l'humanité et constitue un fort moteur de création de valeur économique et sociale à l'échelle mondiale. En 2013, l'Internet est plus grand, plus rapide et plus universel que jamais auparavant.

Mais comment la gouvernance de l'Internet devrait-elle évoluer pour suivre ce rythme ? Comment les arrangements en matière de gouvernance de l'Internet devraient-ils évoluer pour répondre aux nécessités de l'Internet actuel ? Des lacunes apparaissent dans la carte de la gouvernance de l'Internet, associées à des questions non abordées ou à des problèmes non résolus dont l'impact est critique. Ce large éventail de problèmes, allant de la cybersécurité à la vie privée et bien au-delà, affecte chaque internaute et chaque membre de la communauté de l'Internet. Et de plus en plus de voix s'élèvent pour demander des solutions.

Les organisations actuellement responsables de la gouvernance de l'Internet, y compris tous ceux qui faisons partie de la communauté de l'ICANN, ont beaucoup travaillé -dans le cadre de leurs mandats- pour apporter une solution à ces problèmes.

Le renforcement de la gouvernance de l'Internet et de la coopération par le biais de processus multipartites doit encore se poursuivre, d'autant qu'on a de plus en plus le sentiment que le temps presse. Que si nous ne trouvons pas un moyen d'aller de l'avant dans le modèle multipartite, d'autres solutions de nature multilatérale risquent de nous être imposées, susceptibles d'entraîner la fragmentation de l'Internet et de ses politiques.

Certains d'entre vous se demandent pourquoi l'ICANN s'y mêle, alors que ce n'est pas à nous de résoudre le problème.

Le Conseil d'administration et l'équipe de direction de l'ICANN ont une responsabilité spécifique vis-à-vis de la protection et du renforcement de la mission de l'ICANN. Or, nous sommes confrontés à une demande croissante de la part du public qui souhaite que les attributions de l'ICANN dans le modèle multipartite soient élargies afin de répondre a certains nouveaux problèmes.

Cela pose un défi pour nous, dans la mesure où ces nouvelles questions ne rentrent pas dans la portée de la mission de l'ICANN.

En même temps, le statuquo entraînerait davantage de risques pour l'ICANN, qui serait ainsi confrontée à la menace de réponses ponctuelles de la part de certaines parties prenantes, susceptibles de fragmenter et de mettre en péril non seulement l'Internet universel et interopérable qui nous permet de créer et de délivrer de la valeur, mais aussi notre capacité à remplir notre mission.

Les événements récents qui ont eu lieu au niveau international -qu'ils soient directement liés ou pas à l'Internet- ont un impact sur le contexte dans lequel l'ICANN mène ses opérations et rendent le traitement de ces problèmes émergents encore plus pressant.

Si le Forum sur la gouvernance de l'Internet constitue une importante plaque tournante pour la discussion sur la gouvernance de l'Internet – et je suis d'ailleurs encouragé par la proposition faite après Bali par trois pays qui se sont portés volontaires pour accueillir l'IGF pendant les trois prochaines années -, il ne s'agit pourtant pas d'une instance de prise de décisions, si bien qu'il n'existe toujours pas d'alternative aux mécanismes multipartites existants pour résoudre et faire avancer ces problèmes naissants. C'est pourquoi moi-même, ainsi que d'autres personnes avec qui j'ai eu l'occasion de discuter en privé et en public, croyons que l'ICANN continuera à faire l'objet de demandes, de contestations, de menaces, susceptibles de mettre en péril sa capacité à s'acquitter de sa mission.

Face à cette situation qui devient critique et pressante aux yeux de bon nombre d'entre nous, le Conseil d'administration a demandé au personnel de l'ICANN d'explorer activement auprès de la communauté de l'Internet des alternatives qui nous permettent d'avancer.

C'est ce qui nous a amené à engager des discussions et à établir une collaboration avec des organisations techniques sœurs, qui ont abouti à la publication conjointe de la Déclaration de Montevideo où nous faisons état de nos convictions, ainsi que de la nécessité d'agir pour faire évoluer les mécanismes existants, tout en préservant une approche multipartite décentralisée de la gouvernance de l'Internet. Si vous n'êtes pas encore prêts, je vous encourage à l'être.

Après la déclaration de Montevideo, alors que nous étions au Brésil réunis avec le CGI le groupe multipartite du Brésil - et les leaders de la communauté de l'ICANN, l'occasion s'est présentée de rencontrer la présidente Roussef. Lors de notre rencontre, je lui ai exprimé en personne notre soutien et notre foi dans les approches multipartites.

Après son discours à l'ouverture de l'Assemblée des Nations Unies, où un certain nombre de ces questions ont été abordées, la présidente Roussef a cherché des moyens de tenir compte de certains problèmes « orphelins » et s'est portée volontaire pour organiser une conférence multipartite mondiale à caractère unique en 2014, afin d'explorer des pistes pour trouver une voie multipartite à suivre.

Si la nature ultime de la conférence sera décidée à partir des commentaires des différentes parties prenantes, je pense que son but est toutefois celui d'aborder la question du renforcement de la coopération en matière d'Internet en engageant des débats sur des principes de haut niveau et des cadres institutionnels. Il ne s'agit pas d'une conférence destinée à produire des propositions sur des politiques spécifiques à l'Internet. Les organisateurs nous donneront plus de détails sur la date et le lieu de la conférence dans les semaines qui viennent. Or, l'idée initiale des organisateurs était d'accepter des commentaires du public et de permettre des consultations publiques et des contributions de la communauté. Élément important : l'événement sera conçu pour assurer la participation de la communauté mondiale directement ou à distance, afin de permettre à l'ensemble des parties prenantes à l'échelle mondiale de faire entendre leur voix. C'est un point critique et une condition incontournable.

Bien évidemment, il nous faudra déterminer collectivement comment arriver à un nombre de participants raisonnable tout en assurant une représentation équilibrée de l'industrie mondiale, de la société civile, des gouvernements, de l'université, des OIG et des organisations techniques, ainsi que des penseurs et des dirigeants de la société civile au niveau mondial.

Le réunion mondiale au Brésil a attiré beaucoup d'attention et a certainement été un sujet de discussion au dernier Forum de la gouvernance de l'Internet à Bali. Les brésiliens y étaient bien représentés et n'ont pas manqué de manifester, autant dans le discours inaugural du ministre Bernardo que dans les différentes réunions publiques et privées qui ont rythmé la semaine, leur volonté sincère de faire en sorte que la réunion soit organisée et menée de manière multipartite, avec la participation de toutes les parties intéressées. J'espère qu'en tant que communauté nous pourrons travailler ensemble pour que ces voeux deviennent une réalité.

Je suis un fervent défenseur du modèle multipartite ; je crois qu'il fournit la meilleure voie pour résoudre les problèmes liés à la gouvernance de l'Internet. Ceux-ci ne concernent pas que l'ICANN : c'est pourquoi nous souhaitons faire partie de la « coalition de la volonté », à laquelle faisait référence Chris Disspain, membre du Conseil d'administration de l'ICANN, à l'occasion du AusIGF. Il ne suffit donc pas d'avoir une conférence l'année prochaine. Nous devons commencer activement à parler, à discuter, à proposer, à engager le débat au sein de la vaste communauté mondiale de l'Internet afin de trouver le meilleur moyen d'obtenir la légitimité mondiale nécessaire pour aborder ces questions, dans le cadre d'une démarche multipartite appropriée. Nous avons pris un bon départ avec l'excellente réunion de l'IGF, suite à laquelle un comité de direction multipartite présidé par Adiel A. Akplogan, PDG d'AfriNIC, a été créé pour explorer le meilleur moyen de faire avancer cette initiative ascendante de la communauté de l'Internet qui vise à trouver des réponses à ces problèmes émergents. Le comité cherche à donner une voix à ce mouvement mondial et prête son concours à la mise en place du site Internet www.1net.org. un forum de discussion pour enrichir et faire évoluer le débat. Ils encouragent une participation aussi large que possible et j'espère que vous allez être nombreux à y répondre présent.

Beaucoup a été dit et écrit pendant et après cette réunion : je vous encourage à vous tenir au courant. Deux blogs que j'ai trouvés intéressants sont celui de Byron Holland et de Jordan Carter's.

Je crois que l'inclusion de toutes les parties prenantes dans le processus de prise de décision et de discussion sur la gouvernance de l'Internet a permis d'accorder à l'innovation une place qu'on aurait eu du mal à imaginer autrement, tout en assurant qu'aucun groupe ne soit en position de domination (des gouvernements ou autres). Une approche décisionnelle purement intergouvernementale exclurait automatiquement beaucoup de parties prenantes qui ont contribué à la croissance et au développement de l'Internet. La réussite dépend de la coopération et de la participation volontaire de TOUTES les parties prenantes.

Il s'agit d'une opportunité importante pour notre communauté de rencontrer la vaste communauté de l'Internet pour discuter, explorer et chercher, le cas échéant, une voie multipartite qui nous permette d'avancer. J'encourage tout en chacun à y participer et à faire entendre sa voix.

Authors

Fadi Chehadé

Ancien President & CEO